La petite sirène mytho

Publié le par lamiri

L'histoire débute comme des milliers de shôjo avec une lycéenne qui s'ennuie ferme dans une petite ville de province. Indifférente aux centres d'intérêt futiles des autres filles, Nagisa, plus adulte doit s'occuper de sa famille qui subsiste sur l'assurance-vie de son père, disparu en mer. Et elle peut difficilement compter sur son grand frère adoré, un garçon doué qui vit en hikomori, reclus dans sa chambre à dévorer des piles de bouquins ésotériques, de psychologie et de criminologie (quelque chose comme un jumeau du L de Death Note en plus aimable). Contrairement à ce qu'on pourrait deviner, elle ne rêve pas de l'agitation de Tôkyô mais de s'engager dans l'armée.

Là-dessus surgit une nouvelle lycéenne qui serait la fille d'une rock star et vient de la capitale. Son comportement est peu banal. Elle ne se sépare jamais d'une bouteille d'eau
* qu'elle sirote à longueur de journée et ne trouve rien de plus malin pour faire connaissance que d'en bombarder systématiquement Nagisa. La lycéenne qui rêve de vraies balles la croit mythomane en plus de cyclothymique : elle prétend être un de ces sirènes qui sortent de l'océan tous les dix ans pour la reproduction, qu'une sorcière a jeté un sort sur ses jambes, que les lapins sont les ennemis jurés de son espèce (moi qui croyais que c'était des marins !) et que son père serait un dépeceur de cadavres.

A lollypop or a bullet 1 BIG

Bref, pour Nagisa, c'est surtout une enfant gâtée un peu paumée qui se cherche une amie et dont les histoires délirantes ne seraient que des balles en sucre tirées pour attirer l'attention (comme ça, j'ai expliqué le titre). Et si il y avait une part de vérité dans ces élucubrations de contes de fée ?...

Un univers étrange mais qui n'a rien de commun avec l'atmosphère gore de Variante, la précédente série de Sugimoto chez Glénat. Pas inintéressant mais il manque un je ne sais quoi pour décoller. Peut-être un dessin moins standard. Plus resserrée et confiée à un grand talent comme Yuki Urushibara (l'auteure de Mushishi), l'histoire pourrait devenir aussi captivante que poétique. A noter que Sugimoto et Sakuraba sacrifient à la double mode des titres de séries et de chapitres anglicisés.

Je terminerai en avouant que ce fut assez troublant de découvrir les premières pages de ce manga en ce mois de mars avec le cadre campagnard de Sakaiminato
**, petite cité côtière au Sud-Ouest de l'île de Honshu. Ce "vieux Japon miniature" comme le surnomme l'héroïne, avec ses champs, ses digues et... sa centrale nucléaire pas très loin (cf extrait plus bas).

Suite et fin en librairie le 20 avril.


(sens de lecture japonais)

(*) Frappée du logo d'une marque auvergnate qui a du trouver un bon créneau pour vendre dans cet autre pays des volcans.

(**) Ville natale du grand mangaka Shigeru Mizuki.




A lollypop or a bullet, Tome 1, de Kazuki Sakuraba & Iqura Sugimoto
Glénat
ISBN 2723477541 / 9782723477543
7,50 €



Présentation de l'éditeur :

Un thriller psychologique prenant.

A Lollypop or a Bullet est un manga en deux volumes, tiré du roman de Kazuki Sakuraba (Sugar Candy Bullets Can’t Pierce Anything).
Il met en scène les relations complexes de deux jeunes filles, qui font connaissance un été, dans un petit village de province. La nouvelle arrivante, Umino, mal dans sa peau, prétend, telle une enfant, être une sirène, pour échapper à sa réalité. Sa nouvelle amie, Nagisa, qui déprime dans sa campagne, ne rêve que de s'enrôler dans l’armée. Ces deux êtres qui désirent échapper à leur destinée vont se rapprocher et s'affronter dans une relation qui fera ressortir les secrets de chacune. La vérité sur la mort du père de l'une, la vérité sur les secrets qui entourent le petit village, que la "sirène" rêve de voir détruit à tout jamais.
Page après page on découvre un scénario complexe et diaboliquement construit, où le passé se révèle avec les personnages, où le bonheur provincial n’est ici qu'une façade servant à mieux masquer les plus terribles secrets. Un thriller étonnant, très différent de ce que l'on a l’habitude de lire en manga. Résolument pour jeunes adultes et adultes, ce drame psychologique prenant est parfaitement adapté par Iqura Sugimoto, auteur de Variante, 4 volumes chez Glénat, dont on se souvient du succès.





 
Extrait :

 

Ces derniers temps les auberges et restaurants qui vendent la campagne grâce au slogan "En contemplant la nature" ont de plus en plus de succès. Les citadins arrivent, prennent du bon temps et repartent avec à la bouche des "Qu'est-ce que c'est bien la campagne". On trouve dans notre ville tout ce qu'ils pensent qu'il vaut mieux construire ici plutôt que chez eux. Une centrale nucléaire, une prison, un centre de redressement et un hôpital psychiatrique. Ainsi qu'une caserne des forces d'auto-défense. Les gens du coin ne s'approchent pas trop de ces endroits.

 

 

Lien : Présentation du diptyque avec les premières planches du Tome 1


Publié dans Critiques manga

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