La maison au tableau qui sourit

Publié le par lamiri

Le récit de Denis Lapière est librement inspiré de Olalla des Montagnes, une nouvelle de Robert-Louis Stevenson*. Une jeune femme des années 20 à la santé fragile, frondeuse et assoiffée d'indépendance s'échappe de l'emprise familiale qui voulait la placer dans un sanatorium et choisit de se reposer dans une vieille demeure isolée du monde. Celle-ci est tenue par une femme ombrageuse et ses deux fils, dernière lignée maudite d'une puissante famille, sans doute issue d'alliances consanguines. Un demeuré et un invisible qui devient de plus en plus présent, d'abord sous la forme d'un portrait dans la chambre de la jeune femme...

J'ai mis un moment avant d'entrer véritablement dans l'histoire. Les textes en légende issus du journal intime de la jeune femme ont le ton ampoulé de son époque. En même temps, elles correspondent à ses velléités d'écrivain. Elle qui comptait tirer un livre de son séjour découvre toute la différence entre les prétentions d'une simple désoeuvrée et un véritable talent en tombant sur le manuscrit du fils caché. Coincée dans cette residenza qui dépérit, Hélène s'abandonne elle aussi, hypnotisée par le magnétisme du portrait auquel Aude Samama a donné le visage du jeune Marlon Brando.



Cette atmosphère à la lenteur lourde, énigmatique et sensuelle se trouvait dans certains films italiens des années 70. Par exemple la bizarre Maison aux fenêtres qui rient de Pupi Avati, un film qui comme cet album est d'un intérêt inégal avec de beaux passages. L'album indique non pas dessin mais peintures de Aude Samama. Je n'oserai pas qualifier le terme de prétentieux (je serais bien mal placé pour) car elle produit un travail de peintre qui admire visiblement l'école fauve, Cézanne et Rouault. Les planches à l'acrylique d'Amato appartiennent à toute une école italienne actuelle qui s'illustre aussi bien en BD qu'en cinéma d'animation. Les poses alanguies de l'héroïne font référence à Balthus, le peintre de l'abandon féminin par excellence dont on trouve des échos aussi bien chez Blutch que chez des mangakas comme Aya Takano ou Okama. Mais j'y ai été moins sensible qu'aux simples dessins de Tom Tirabosco ou d'Eric Lambé pour ne citer que des auteurs publiés chez Futuropolis. D'ailleurs, je ne mets pas d'échelle de valeur entre une oeuvre réalisée au crayon, à la plume, au pinceau, au pastel, au feutre, à la carte à gratter, sur Photoshop voire même au Bic quatre couleurs. Si il y a bien une particularité qui rend la bande dessinée
si riche, ce sont ses multiples formes et outils de conception.


(*) Ce texte est disponible, joint avec d'autres nouvelles dans plusieurs éditions au format poche chez Gallimard, Rivages, Librio...



Amato, de Denis Lapière & Aude Samama, d'après Robert-Louis Stevenson
Futuropolis
ISBN 2754802282 / 9782754802284
15,00 €


Présentation de l'éditeur :

En s’inspirant très librement d’une nouvelle de Stevenson, Denis Lapière signe un récit intimiste et sensuel, teinté de fantastique, dans la veine de grand classique de la littérature du XIXe tel "Dracula".
Ce huis-clos aux accents pervers est magnifiquement mis en valeur par les couleurs presque fauves d’Aude Samama.

En 1924, Hélène, qui souffre d’une maladie chronique, est envoyée par son père à Oasta pour se faire soigner. Elle reste plus d’un mois en soins et doit alors partir en convalescence dans un sanatorium. Mais, la jeune femme refuse et choisit une résidence tenue par une femme et ses deux fils. Noble mais désargentée, la famille loue des chambres de sa vaste demeure.
L’un des fils, Mauro, bien qu’un peu simplet, est visiblement troublé par la présence de la jeune femme. Il s’occupe d’elle avec dévouement. Quant à Hélène, elle semble peu à peu envoûtée par l’étrange atmosphère des lieux, en particulier par le portrait d’un inconnu qui orne sa chambre qu’elle surnomme «
Monsieur Charmant » .

Sensualité et mystère semblent être les maîtres mots de ce récit.
Les hôtes d’Hélène forment une bien curieuse famille. La mère, autoritaire et fuyante, Mauro, le fils un peu attardé et si attentionné, Amato, le beau jeune homme, mystérieux et fantomatique, sosie parfait de son lointain ancêtre, tous semblent lui cacher un terrible secret.

Les auteurs :

Né en 1958 en Belgique, Denis Lapière se lance dans la bande dessinée au milieu des années 80. Il travaille pour
Spirou et L’écho des Savanes avec Jean-Philippe Stassen. On lui doit la série Charlie avec la dessinatrice Magda, mais c’est Le bar du vieux français qui lui apporte la reconnaissance professionnelle. Il a depuis signé de nombreuses œuvres importantes comme Un peu de fumée bleue et Le tour de valse avec Ruben Pellejero. Il est également directeur de collection aux éditions Dupuis (collections Punaise et Puceron)
        
Aude Samama débute sa carrière en 2002 avec En série, bande dessinée publiée aux éditions Frémok, Parallèlement, elle réalise les biographies dessinées de Bessie Smith et d'Amalia Rodrigues dans la collection
BD Music des éditions Nocturne et travaille également pour la jeunesse aux éditions du Seuil, Actes Sud Junior, Hatier....
En 2008, L'intrusion, paraît aux éditions Rackham.
En 2009, Amato, sur un scénario de Denis Lapière (Futuropolis) et Lisbonne, dernier tour écrit par Jorge Zentner, à paraître aux Impressions nouvelles.



Liens :

Présentation de l'album et de ses auteurs avec quelques planches


De nombreuses planches originales d'Aude Samama sont en vente sur ce site spécialisé


Le site du scénariste Denis Lapière



Publié dans Critiques BD

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