Gare au Boilet !

Publié le par lamiri

(première publication sur Zazieweb en avril 2006)

Ne comptez pas sur moi pour vous expliquer le titre. Comme le chantait Brassens dans Le gorille, il y a des endroits précis que ma mère m'a rigoureusement défendu de nommer ici !

Aurelia Aurita m'avait enchanté avec son premier petit album, Angora, un tanagra de sensualité au féminin publié en 2003 au 9ème Monde. Eh bien, Fraise et chocolat (n'insistez pas, vous n'en saurez la signification qu'en découvrant vous-même ce bouquin !) prouve que chez cette jeune auteure, l'érotisme frais et joyeux est une - non pas seconde - mais première nature. Et l'adjectif joyeux est un euphémisme. Peu sont capables de faire rimer cul avec sourire. Si Angora était dans une tonalité plus rêveuse et mélancolique, ce nouvel album n'est que description de jeux érotiques inventifs qui renvoient le Kama-Sutra aux rayons poussiéreux de l'Enfer des bibliothèques. C'est on ne peut plus cru, direct et sans tabou mais sans le moindre soupçon de vulgarité.



Alors, bien sûr, rien de réellement nouveau (Aurelia Aurita est une admiratrice d'Anaïs Nin) et cet album appartient à un genre très en vogue en ce moment, en BD comme en littérature : l'auto-portrait-confession-journal (très) intime, nombriliste et impudique. Obsessionnel aussi : Chenda semble obnubilée par le visage de son amant qu'elle compare à Mastroianni. Mais, le rouge aux joues ou non, difficile de ne pas tomber sous le charme désarmant de cette Corrida de l'amour (traduction littérale de L'empire des sens d'Oshima) du début du 21ème siècle. Une corrida qui finit comme elle a débuté : avec le sourire.

  Fraise et Chocolat 1 BIG

Il est très amusant de lire Fraise et chocolat juste après avoir terminé L'apprenti japonais de Frédéric Boilet car il y est omniprésent et pour cause : c'est lui l'objet du désir (et des plaisirs) de l'héroïne. Quoi qu'il en soit, il s'avère un sacré coquin et on se demande bien comment tous deux trouvent le temps de dessiner tant les galipettes acrobatiques occupent leurs journées.

Seule légère ombre au tableau : je trouve le dessin d'Aurelia Aurita moins troublant que sur Angora, tracé plus vite comme si elle avait eu peur de perdre les détails de souvenirs sans doute encore tout frais. J'allais presque écrire qu'elle a dessiné au saut du futon. Mais au moins, on ne lui en reprochera pas la spontanéité.

Préface illustrée de Joann Sfar. Fort bien venue, puisqu'il est, lui, l'un des rares auteurs masculins de BD à s'aventurer avec finesse dans l'érotisme, sans doute parce qu'il y expose sans honte sa part féminine.





Fraise et chocolat, de Aurelia Aurita
Les Impressions Nouvelles
ISBN
2874490091 / 9782874490095
15 €


Présentation de l'éditeur :

Récit hautement érotique, Fraise et Chocolat retrace les premières semaines d'une passion amoureuse à travers le regard d'une jeune dessinatrice de 25 ans. Observatrice attentive de ses propres élans, de ses désirs mais aussi de ses doutes, Aurélia Aurita parle d'amour et de sexe avec fraîcheur et franchise. Sa vision ludique et joyeuse, mélange de crudité et de tendresse, est actuellement sans équivalent dans le paysage de la bande dessinée européenne.


L'auteure :

Aurélia Aurita est née en 1980 en région parisienne. Parallèlement à des études de pharmacie, elle débute une carrière de dessinatrice de BD, publiant ses premières histoires courtes dans Fluide Glacial. Paru en 2001, Angora, livre sensuel et troublant, est immédiatement remarqué par la critique. Invitée à participer au collectif Japon, paru fin 2005 simultanément en français, en japonais et en cinq autres langues, elle se rend une première fois dans l’Archipel. C’est le coup de foudre. C’est à Tôkyô qu’Aurélia Aurita réalise les surprenantes pages de Fraise et Chocolat. Paru en français en mars 2006 puis en trois autres langues, l’ouvrage reçoit un accueil exceptionnel.

Fraise et Chocolat 2 paraît en 2007, suivi de Je ne verrai pas Okinawa en 2008, qui raconte les déboires de l'auteure avec les services d'immigration japonais. Tenue d'écourter son séjour, la jeune dessinatrice rentre définitivement en France début 2008, et s'installe discrètement dans les Vosges aux côtés de son compagnon Frédéric Boilet.

Au centre de l’attention médiatique, Aurélia Aurita publie en 2009 Buzz-moi, qui retrace de manière vive et drôle comment elle vécut ce tourbillon suscité par le succès de ses albums.
 






 Liens :

Présentation du livre avec des extraits

Le site d'Aurelia Aurita (bilingue français-anglais)

 

Dificile de ne pas y associer le site de Frédéric Boilet (en français, anglais et... japonais, bien sûr)

 


Publié dans Critiques BD

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