Il était quatre fois...

Publié le par lamiri

(première publication sur Zazieweb en avril 2008)

La fable est le plus élégant moyen de raconter l'existence des pauvres humains avec leurs qualités, leurs erreurs, leurs contradictions et surtout leurs points communs. Les Grecs l'avaient compris, les griots africains, La Fontaine, Voltaire, Andersen, Potocki, Ecco aussi. Là, c'est évident, Frank Bourgeron a pensé à Cervantès avec ce grand seigneur efflanqué et ridicule accompagné d'un serviteur plus petit et rondouillard. On ne sait pas comment ces deux-là se sont retrouvés paumés en plein désert et cela n'a aucune importance. Ils sont pitoyables, enfantins, touchants, drôles... et ils ont horriblement soif, une soif qui se fiche pas mal que l'un soit chrétien et l'autre juif. Pour tenir, Don Cordoba Igual de la Vilarubias invoque Saint Augustin à tout bout de champ et Zangra les préceptes de son rabbi. Un hasard coquin les fait tomber sur Cahouet le Maure, vendeur ambulant de chouchous, sorbets et boissons gazeuses puis le trio croise la route d'un moine bouddhiste qui tient le coup par la méditation.

 

La Sainte Trinité BIG

 

C'est complètement farfelu mais Franck Bourgeron a retrouvé l'efficacité des meilleures comédies. Fable philosophique, conte sur la tolérance, comédie de maître et de valet (Zangra tient autant de Sancho Pancha que de Sganarelle et son duo avec Don Cordoba rappellera aussi ceux de La folie des grandeurs et de Rabbi Jacob). A placer dans sa bédéthèque entre Les aveugles de F'Murrr et la série De cape et de crocs d'Ayrolles et Masbou.

En quatrième de couverture se côtoient les trois belles calligraphies romane, hébraïque et arabe. Je suis convaincu qu'en les montrant à un éventuel extra-terrestre, il ne ferait aucune différence et n'y verrait que de simples tracés.




La Sainte Trinité (fantaisie religieuse), de Franck Bourgeron 
Futuropolis
ISBN 2754801839 / 9782754802796
17 €


Présentation de l'éditeur :

Deux hommes à l’allure de Don Quichotte et Sancho Pancha errent  dans un désert. Ils sont visiblement exténués, quasiment morts de soif. Ce qui n’est pas sans créer certaines tensions entre eux.
Don Cordoba Igual de la Vilarubias, seigneur des Astramour et Grand d’Espagne reproche à son valet Zangra de ne plus rien avoir à boire. De son côté, Zangra en veut beaucoup à son maître d’avoir dû sacrifier sa vieille mule pour la manger (mais c’était elle ou lui). Et de se disputer pour savoir ce qu’est le pire : la soif ou la faim ?
La conversation des deux  bougres s’élèvent d’un cran dès lors qu’il s’agit de religion. Comment un pauvre valet juif peut-il comprendre un seigneur chrétien ? Mais est-ce bien raisonnable de parler sur ce ton à un fils du peuple élu ?  « Je pisse au cul de Saint-Augustin » « Mécréant ! Fistule ! Gazpacho ! Il te jugera ! »

Cet album est une farce allégorique. Une tentative désespérée de rapprochement entre En attendant Godot et "BipBip et Coyote".
Car, si l’histoire rappelle les techniques du cartoon, la posture des personnages, leurs attitudes et les décors sont traités avec noirceur et austérité... avec sécheresse, serait-on tenté de dire puisque toute l’action se déroule dans le désert !


L'auteur :

Réalisateur et directeur artistique de dessins animés pour la jeunesse, Franck Bourgeron fait une entrée remarquée dans le monde de la bande dessinée en 2003 avec son premier album, Extrême orient, une histoire résolument adulte, qui obtient le prix RTL.

En 2005, il décide de ne plus travailler pour le dessin animé et de se consacrer exclusivement à la bande dessinée.

Il rejoint les éditions Futuropolis avec une adaptation en bande dessinée du roman de Pierre Loti, Aziyadé, une grande histoire d’amour tragique que Pierre Loti écrivit en 1879 en souvenir de la passion qui l’unit à une jeune femme appartenant au harem d’un dignitaire turc, et que Franck Bourgeron nous fait revivre avec beaucoup de subtilité et de retenue.

En tout juste trois livres, Franck Bourgeron a posé un style bien à lui. Sa mise en scène, d’une grande lisibilité, nourrie de son expérience dans l’animation, en fait un grand raconteur d’histoires.

Il prépare actuellement deux récits pour les éditions Futuropolis. Une fable satirique intitulée La Sainte trinité qu’il réalise seul et une grande saga dans la tourmente de la révolution russe en collaboration avec Kris.



 

Extrait :

- Saint Augustin disait toujours : "Est vrai ce qui est"...
- Ah oui ? Il est fort, celui-là pour les phrases...
- Très... Il disait aussi : "L'abstinence totale est plus facile que la parfaite modération"...
- Ah ? Ben il a pas dû avoir soif souvent votre ami Augustin...

 

 

 

Lien :

Présentation de l'album et de son auteur avec quelques planches

 

Publié dans Critiques BD

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